jeudi 30 janvier 2014

Lorsqu'on croyait que tout était normal

C'est un peu comme une blessure soudaine. On ne la voit pas, on ne la sent pas, on ne sait même pas qu'elle est là et pourtant... Elle saignait, on ne ressentait seulement pas encore la douleur qui l'accompagnait, jusqu'à ce qu'un moment, on la voit.

Là, ça fait mal. C'est comme ça.

Tout était normal, je n'étais pas "bien", je me sentais mal, coupable, j'étais la cause d'un peu tout, de la grande qui n'écoutait pas, de Tommy qui ne parlait pas, de la petite qui pleurait beaucoup. C'était juste "normal" même si ça faisait mal par moment, je ne le savais pas vraiment que c'était ça.

Jusqu'au jour où c'est inévitable, on doit faire face à la différence, reconnaitre que ce croyait "normal', temporaire, passager, ne l'était peut-être pas.

C'est alors un mélange étrange d'émotions. On se sent bien, on se sent mal, on est triste. Tout est possible et c'est parfois même un cocktail explosif. Nous ne sommes pas coupables, mais si ce n'est pas notre faute, alors ce n'est peut-être pas passager. Si ce n'est pas passager, alors qu'est-ce qui nous attend dans le futur? Qu'est-ce qui attend notre enfant? Si ce n'est pas notre faute alors comment trouverons-nous la solution?

Est-ce qu'on comprend tout ça au moment où la différence nous frappe en place visage? Non.



Extrait du livre, 2008

C’est fou ce que ma vie peut avoir changé en si peu de temps. Hier, j’étais maman d’enfants tout à faire comme les autres. Aujourd’hui,je suis maman d’enfants qu’on qualifie « à besoins particuliers ». Je réalise soudainement que mes tâches quotidiennes sont lourdes alors que j’étais convaincue que c’était normal et passager. C’est la connaissance qui rend mes tâches plus lourdes aujourd’hui. Maintenant je sais. Je sais que nos enfants ont des particularités dans leur développement, je commence à mettre des mots, des termes précis sur leurs retards. Par le fait même, je prends conscience del ’écart qu’ils ont avec les autres enfants. Pourquoi personne ne me l’a dit?

Pourtant, malgré tous les défis depuis la naissance de notre grande fille, je ne me suis jamais plainte de mon sort. J’ai des enfants formidables. Je m’accroche aux moments de bonheur, à l’espoir, et aux demains plus faciles. Je réalise toutefois que ce demain est peut-être plus loin et plus difficile que je croyais. Ce qui était passager ne l’est plus. Je n’ai pas perdu espoir de jours meilleurs mais ces jours me semble éloignés. Je comprends maintenant tous les défis qui nous attendent.

Les yeux ouverts, j’espère aider nos enfants et savourer encore plus chaque réussite qui viendra.

lundi 27 janvier 2014

Moi, derrière l'autisme

Derrière l'autisme, il y a des parents. Ils sont là et même si les gens croient que ce qu'ils vivent est "banal" par moments, leurs émotions sont réelles et méritent d'être respectée.

Le monde de la parentalité, c'est toute une jungle. Déjà, à notre époque actuelle, c'est difficile de vivre sereinement le rôle de parents "normaux", la course garderie, travail, le besoin de normaliser, comparer les enfants entre eux, les jugements sur celui qui fait mieux que l'autre... Être parent, c'est tout un rôle, certains l'ont naturellement, certains le vivent plus difficilement. C'est d'ailleurs un sujet assez tabou d'aborder celui du parent qui n'est pas nécessairement bien dans son rôle, la mère qui a détesté la grossesse, celle qui a eu une difficulté d'attachement à l'enfant à la naissance. Ça existait, depuis toujours, mais on le taisait, on gardait ça secret et c'était honteux. Quoique, peut-être parfois moins qu'aujourd'hui. À l'époque, on ne choisissait pas d'avoir des enfants. Aujourd'hui, on le choisit, on le désire, alors comment peut-on ensuite affirmer que c'est plus difficile qu'on le croyait?

Moi, c'est celle qui voulait des enfants jeunes. Le plus tôt possible après avoir acquis une certaine stabilité financière, c'était important pour moi. Mais la vie, ce n'est pas toujours nous qui décide où elle nous amènera... J'ai été chanceuse. Point. J'ai travaillé pour avoir ce que j'ai, mais je l'ai eu plus facile que d'autres. Il faut aussi se permettre de l'avouer. Autant avouer qu'on travaille pour ce qu'on a, mais que même ceux qui travaillent forts n'ont pas toujours ce qu'on a. La vie est remplie de surprises mais aussi de choix.

Pour notre part, nous avions décidé d'habiter chez ma grand-mère à la fin de nos études. Nous avons ainsi pu accumuler un petit coussin pour être confortable. NOUS. J'avais aussi cette chance de pouvoir dire NOUS.

Deux ans plus tard, nous avons acheté une maison. Une chance, juste avant la hausse fulgurante du prix des maisons. Aujourd'hui, nous n'aurions pas les moyens.

Moi, je viens d'un peu partout... Quelques déménagements à mon actif, enfant d'une famille éclatée, ce qui devenait plutôt normal à cette époque... Nous avons appris à vivre avec peu, mais savoir apprécier ce que nous avions.

Moi, je viens d'une famille avec beaucoup de différence. Culturelle, physique, des décès, des suicides, psychologiques... un peu trop d'expérience pour ma jeune vingtaine. S'il y a bien une chose que j'ai appris très tôt, c'est que la vie est remplie d'imprévus, d'obstacles, de défis, de joies, de peines...

C'est ainsi qu'à 23 ans nous prenions la décision d'avoir un premier enfant. Si je savais que la vie pouvait réserver bien des surprises, il reste que nous souhaitons toujours pour le mieux. Le mieux est arrivé, non sans défis, sans inquiétudes, sans difficultés. Un médecin négligent, un bébé en danger, ce fut les 37 semaines les plus longues que j'ai connu avec une grossesse difficile et repos forcé. À la naissance, elle était mauve et elle a passé les 7 premiers jours de sa vie à la pouponnière pour surveiller son taux d'oxygène dans le sang. Moi, j'étais maganée d'une première césarienne, mais je me remettais en étant consciente des épreuves passées. La peur de perdre ce petit être qui grandissait.

Elle nous a fait merveilleusement découvrir notre nouveau rôle... à travers les nuits blanches, les nuits complètes, les premiers sourires, les premiers rires... En réalité, ils ont tardé. Elle a rit pour la première fois vers 4 mois et demi. Très tôt, elle était déjà anxieuse. Bébé, elle vomissait sans cesse ses repas... Mais ce n'était rien, c'était juste "normal".

C'est alors que nous avons décidé d'avoir son frère alors qu'elle ne parlait pas encore. L'inquiètude dans l'âme, la peur de revivre la même épreuve, mais le coeur était plus fort que tout. J'ai toujours voulu 3 ou 4 enfants. J'ai toujours voulu être à la maison... Je l'ai trouvé dure cette grossesse, j'ai eu peur, j'étais fatiguée, elle ne marchait pas encore, elle était anxieuse, de plus en plus, elle ne parlait pas vraiment non plus... elle se réveillait en vomissant la nuit, elle tardait à manger comme nous... Je disais que plus jamais on m'y reprendrait. Pas un autre enfant collé. Pas question.

20 mois après elle, il est né à 39 semaines, par césarienne. Un autre deuil. Une grossesse qui s'est terminée dans les imprévus de la vie, un autre risque nous forçant à le mettre au monde plus tôt... Un bébé intense, il pleurait sans arrêt, vraiment... même en dormant. Nous ne le comprenions pas. C'était difficile. Mais le coeur est plus fort que la tête, du moins chez moi. À 6 mois, nous décidions de retenter le tout pour le tout. C'était maintenant ou jamais, parce que j'avais peur d'avoir peur. Si j'attendais, j'aurais peur de repasser par tout ça une autre fois. LÀ, j'étais dedans, les pleurs, les réveils nocturnes, d'elle et de lui, l'anxiété, les pleurs incompris... Mais il nous a gâté, des premiers sourires, des premiers rires, des moments magiques... Nous avons appris à le connaitre.

Elle est née. 15 mois après lui. Une petite fille pas facile, des nuits debout, pour lui, pour elle(s). De la naissance d'elle à la naissance de celle-ci... nos nuits n'étaient plus complètes. Insomnie, vomissements, pleurs nocturnes... crises inexpliquées... Plus d'un an, nous étions chanceux si nous dormions 3 heures.

Elle a grandit, lui aussi, et elle aussi. Et une journée que je croyais que tout était seulement passager, que je vivais de cet espoir depuis le premier jour que les difficultés, les défis, les obstacles ne faisaient que passer, nous avons compris. Il était autiste. Nous avons compris, du jour au lendemain, croyant qu'il ne l'était pas, à en avoir la certitude.

Il nous a fait découvrir l'autisme, mais pas vraiment à la fois. Il nous a fait découvrir un autisme. J'ai cru à ce moment que c'était ÇA l'autisme, que c'était tout, que tout allait bien... mais il y avait un doute. Il y avait les crises d'elle, les pleurs, l'anxiété grandissante, l'attention difficile... le sentiment que peut-être finalement... ce n'était pas passager...

Moi, j'étais là, avec mes espoirs, avec mes expériences du passé, avec mon besoin de comprendre, avec mes difficultés d'accepter l'inconnu. J'ai eu besoin de comprendre et c'est ainsi, qu'au fil du temps, est né Le parcours de Tommy, bien au-delà de l'autisme classique, mais la différence dans toute sa subtilité, dans ce besoin que les gens puissent comprendre à leur tour, le besoin de dire tout haut ce que certains vivent en silence... Je ne l'ai même pas fait pour moi... Je l'ai fait pour les autres. Parce que ça, c'est moi, j'avais envie d'aider, de partager, de rendre plus accessible, d'informer, de témoigner...

Mais moi, je ne suis pas parfaite, je ne suis pas meilleure que les autres, je vis des hauts et des bas, des doutes... mais j'aime réfléchir, j'aime faire réfléchir, j'aime nuancer. Je déteste le noir et le blanc, j'aime toutes les teintes de gris... et c'est ainsi que Derriere l'autisme est né... de cet envie de permettre aux gens de se reconnaitre, de voir les nuances... D'offrir différent, pas nécessairement un drame, pas une histoire de rescapés, juste la vie... Parce qu'avec les enfants différents, on vit aussi, comme n'importe qui... Différemment, avec des deuils, des compromis, des hauts, des bas, mais dans le fond, je n'ai pas cessé de vivre avec l'autisme et je n'ai pas changé ma façon de vivre... Je fais ma vie... tout simplement.

jeudi 23 janvier 2014

Parfois

Court extrait 


Parfois.

Parfois... c'est mieux que souvent ou jamais. C'est l'entre-deux, c'est réaliste.


Parfois... c'est honnête. 


Parfois... oui, nous avons envie d’affirmer que la vie est injuste. Pas qu'elle est juste ou pas juste comparée aux autres, mais que parfois... c'est injuste envers nous. 

Parfois nous avons envie de nous plaindre.


Parfois nous nous sentons forts. Parfois faibles. 


Parfois nous rions. Parfois nous pleurons. 


Parfois nous rêvons d’une pause.

Parfois nous voudrions mettre de côté les batailles.

Parfois nous essayons d’imaginer ce que ce serait autrement.

Parfois, il n’y a pas de mots justes...

[...] 

mercredi 22 janvier 2014

L'enfant ou l'autisme


Tous les enfants viennent avec leur personnalité. Tous, sans exceptions. Différents ou non.

Cependant, lorsqu’un enfant vient au monde et développe une certaine différence le démarquant des enfants de son âge, cela peut devenir ardu pour les parents qui vivent à temps plein avec l’enfant de faire la différence entre le trouble et sa personnalité.

Ardu? Proche de l’impossible.

Qu’est-ce qui définissent une particularité, un trouble? Qu’est-ce qui fait qu’un enfant ayant un simple retard de langage, est seulement « fait comme ça » et le rattrape avec le temps mais l’autre enfant lui a un trouble.
Si un enfant a un retard de langage, avec un contact visuel fuyant et des jeux répétitifs comme remplir et vider des contenants, il a un trouble selon les spécialistes. Il cumule différents comportements dit « atypiques ». Pourtant le même enfant, sans retard, avec un bon contact visuel qui a des jeux répétitifs? C’est sa personnalité. Il aime jouer d’une façon différente. C’est un enfant tout simplement.

Dans un cas, on laisse l’enfant faire parce que ça ne dérange pas. Dans l’autre on croit devoir corriger le comportement atypique parce que ça dérange.


Départager le trouble de l’enfant, avec ou sans cadre de référence, est très complexe.
Pour les parents, c’est un vrai casse-tête. Comment bien intervenir avec un enfant lorsqu’on ne sait même pas vraiment si certains des comportements sont « normaux », une phase, un caprice ou plutôt un problème réel, une incompréhension, une interprétation différente de l’environnement?

lundi 20 janvier 2014

L'arrivée de l'autisme

La vie a commencé avant l'autisme. C'est ainsi que vous trouverez quelques extraits d'avant "Derrière l'autisme". 

On doit parfois apprendre rapidement que la vie est remplie de surprises et d’imprévus. On vit, mais on ne contrôle pas un événement aussi complexe que mettre au monde des enfants. Je l’ai appris à la dure lors de ma première grossesse. Pourtant, je savais déjà, ma mère ayant perdu un enfant peu après la naissance dû à de multiples malformations trop graves dont elle-même est atteinte.

Non la vie n’est pas tout faite de rose.

Durant ma première grossesse j’ai appris, en plus du problème inexpliqué de manque de liquide amniotique me gardant alitée pour la majeure partie de la grossesse, que notre fille avait une petite malformation au cœur. Comme sa grand-maman. C’était sans gravité heureusement et tout s’est résorbé rapidement. Mais je me suis rappelée, même si je savais que la décision d’avoir des enfants venait avec ses risques. Avoir des enfants, c’est un coup de dé, ils peuvent être malades, handicapés, en santé… On s’imagine les voir grandir, avoir des enfants, mais qu’en sait-on réellement?

L'autisme, on a l'impression qu'il arrive chez nous comme un étranger qui n'était pas invité.

Pourtant, l'autisme, il était là. Il est arrivé chez nous sans qu'on le voit vraiment s'infiltrer, pourtant, sans le savoir, c'est nous qui l'avions invité en jouant la loto de la vie.

L'autisme n'est pas vraiment un étranger. Il était là dès les premières heures, caché derrière les pleurs du premier souffle, l'odeur du petit être tout neuf qui venait tout juste d'être déposé dans nos bras l'instant suivant sa naissance.

Le parcours de Tommy, notre parcours avec l'autisme, n'a pas commencé lors de nos premiers doutes ni lors du diagnostic. C'est un parcours qui a commencé lors des premiers mouvements, des premiers rêves du bébé à venir, des premiers jours suivants la naissance.

Parfois, l'autisme s'est montré, sans vraiment qu'on sache que c'est lui qui était là... Avec un bébé plus difficile, des crises inexplicables, un enfant "pas comme les autres" mais sans en être certains. Parfois, l'autisme nous a sauté en pleine face, bien caché derrière un enfant qui nous semblait "bien aller", "comme les autres" jusqu'à ce que soudainement il sorte du placard, sans avertissement. Il était bien là... depuis le début.


Tommy, c'était la pointe de l'iceberg d'un monde beaucoup plus complexe, bien caché, un monde que je vous laisserai découvrir au fil des 530 pages du livre Derrière l'autisme.

dimanche 19 janvier 2014

Vivre avec un enfant différent

L’enfant différent est un gros défi pour son entourage. Le défi n’est pas l’enfant en soi, ni ses comportements, les crises ou autres difficultés à gérer. Le défi c’est soi-même.

Vivre avec un enfant différent demande d’avoir un tout autre regard sur tout ce qu’on croyait connaitre. Tout ce qui était naturel, tout ce qui est inné, comme tout le monde. Soudainement, sans avertissement, on doit avoir une vision différente et c’est là tout le défi de l’enfant différent. Sa différence nous force à changer. Sa différence nous oblige à travailler sur nous-mêmes afin de s’adapter à un tout nouveau monde.

Ce travail, c’est le travail d’une vie… il y aura des moments plus faciles et d’autres moins.

Pour commencer il faut se comprendre. Comprendre toutes nos réactions face à notre enfant, son diagnostic ou « possible diagnostic ». C’est la première étape pour se diriger vers l’acceptation, car ce n’est pas vraiment d’accepter la différence de l’enfant plus que de s’accepter nous-mêmes et nos limites face à l’enfant différent. Suite à l’acceptation il y a la déculpabilisation. Pardonner nos erreurs, nos limites en tant qu’humain.

Tout ce travail permet de mieux vivre la différence de l’enfant, d’accepter parfois l’incompréhension des gens et surtout, ce travail nous permet de réapprendre à vivre.